Lundi 13 novembre 2017
A l'occasion de la Semaine européenne pour l'emploi des personnes handicapées, Xavier Quernin, éducateur campus et chargé de mission handicap à UniLaSalle, a accepté de répondre à 3 questions.
Quel constat faites-vous concernant l’insertion des élèves-ingénieurs que vous suivez à UniLaSalle ?
XQ - Au cours de l’année 2016-2017, 92 étudiants (79 sur le campus de Beauvais, 13 sur celui de Rouen) étaient accompagnés par la mission handicap. Depuis 2011, année de la création de cette mission, ce sont plus de 140 jeunes qui ont bénéficié d’un tel suivi individualisé, dont la maladie invalidante ou la déficience (motrice, sensorielle, cognitive ou psychique) nécessitait des aménagements de cursus (cours, examens, stages, écoles de terrain, …) ou relatif à la vie sociale étudiante (logement, restauration, événements étudiants, vie associative, …).
Chaque année le nombre d’étudiants en situation de handicap augmente. Le Comité interministériel du handicap de septembre 2017 annonçait le nombre de 25000 étudiants dans les établissements (universités et grandes écoles) sous tutelle du Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. La grande majorité d’entre eux poursuivent des études en université, dont la réputation en matière d’inclusion est connue depuis plusieurs dizaines d’années. Mais depuis 2008 (date de la signature de la charte Conférence des Grandes Écoles - Handicap) les grandes écoles voient chaque année un nombre croissant de candidats – et donc d’étudiants - en situation de handicap.
L’origine de ce phénomène est double : les enfants bénéficiaires du droit à la scolarisation rappelé dans la dernière grande loi sur le handicap, du 11 février 2005, arrivent toujours plus nombreux au niveau du bac chaque année, et les grandes écoles développent leur communication amont, pour encourager ces jeunes à poursuivre des études supérieures dans des domaines qui les intéressent. Dans cette même dynamique, aujourd’hui, plus d’une vingtaine de grandes écoles et universités ont mis en place un programme de tutorat de lycéens handicapés, animé par des étudiants-tuteurs. À UniLaSalle, ce programme « PHARES » existe depuis 2012, et accompagne chaque année 6 lycéens.
Concernant l’insertion professionnelle des étudiants en situation de handicap, peu de difficultés sont rencontrées. Au cours de leurs études, des entreprises partenaires de la mission handicap (citées auparavant) peuvent leur proposer des stages et contrats d’apprentissage. Une fois diplômés, ils trouvent facilement du travail dans la même proportion que leurs camarades : les formations d’UniLaSalle sont très spécifiques, et délivrent des diplômes de Bac + 3 à Bac + 5 recherchés par les entreprises.
Avez-vous un message à faire passer, aux entreprises et/ou aux élèves en situation de handicap qui hésitent encore à se lancer ?
XQ - Quand je vois la mobilisation de mes collègues, des étudiants sensibilisés, des associations étudiantes dont les équipes comptent un référent handicap chargé de rendre accessibles autant les événements organisés que les réunions, mais également celle des entreprises, je souhaite vraiment encourager les lycéens en situation de handicap à poursuivre des études qu’ils auront choisies selon leurs compétences et leur intérêt. Aucune situation de handicap ne doit être un frein à la poursuite d’études supérieures.
Je voudrais terminer ces quelques lignes en invitant une réflexion sur l’insertion professionnelle des jeunes diplômés en situation de handicap dans les start-up et PME de moins de 20 salariés, non soumises à l’obligation d’emploi. Au cours de leurs cursus, les étudiants développent une créativité qu’ils cherchent souvent à mettre à profit de projets innovants. Ceux-ci sont souvent portés par des start-up, qui ne peuvent bénéficier des mêmes moyens d’accompagnement ou financiers, car non contributrices à l’Agefiph. Lors d’une conférence à Saint-Malo pour laquelle j’intervenais la semaine dernière, j’étais interpellé sur ce sujet : les start-up et les PME, premières créatrices d’emploi en France, cherchent à découvrir de nouveaux talents, portés tout aussi bien par des travailleurs handicapés, mais sont en recherche de soutien, de conseils, pour s’inscrire dans une réelle dynamique inclusive. Quels rôles peuvent jouer nos grandes écoles auprès de ces entreprises spécifiques, au service des talents des jeunes diplômés en situation de handicap ?C’est la semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées (SEEPH), que pensez-vous de l’implication des entreprises en 2017 concernant l’insertion des jeunes diplômés ?
XQ - Bien que le taux moyen de travailleurs en situation de handicap dans le secteur privé soit seulement de 3.3 % (au lieu des 6 % demandés dans les entreprises de plus de 20 salariés) les entreprises montrent de plus en plus une volonté de s’inscrire dans une dynamique inclusive. Elles s’engagent aussi bien sur la sensibilisation des collaborateurs, le maintien dans l’emploi de leurs salariés développant une maladie ou une déficience qui nécessite un aménagement de poste, ou l’embauche de travailleurs en situation de handicap. Ce sujet de l’embauche est souvent problématique car la qualification des personnes handicapées est généralement faible : seuls 20 % des bacheliers en situation de handicap poursuivent des études supérieures.
C’est pour cela que des entreprises n’hésitent pas à soutenir la formation et l’insertion professionnelle des étudiants handicapés, en établissant des partenariats avec des grandes écoles, à l’instar de la Mutualité Sociale Agricole, Ginger CEBTP, Nestlé France et l’Institut Français du Pétrole Énergies Nouvelles, engagées auprès d’UniLaSalle.
Les entreprises souhaitent aussi aider les grandes écoles à trouver des solutions à des problématiques spécifiques liées à l’insertion professionnelle des étudiants handicapés. Ainsi le responsable de la mission handicap de Thalès a sollicité l’an dernier la Conférence des Grandes Écoles afin que des solutions d’accompagnement à la vie quotidienne soient trouvées pour des étudiants handicapés qui effectuent des stages en entreprise à l’international. Cette sollicitation et les témoignages d’étudiants sur des problématiques identiques rencontrées lors de leurs cursus internationaux (stages ou semestres académiques) ont été les éléments déclencheurs d’un travail réalisé par la Conférence des Grandes Écoles et deux associations partenaires, la Fédéeh et Hanploi CED : le dépôt d’une contribution auprès du Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme, dans le cadre de l’Examen Périodique de la France qui se tiendra en janvier 2018.
Dans ce document intitulé « Mobilité internationale : création d’un document opposable à toutes discriminations des étudiant-e-s en situation de handicap », un constat inquiétant y est dressé, et une proposition innovante proposée : la création d’un statut international d’étudiant-e en situation de handicap. Ce statut s’articule autour de quatre axes : diplomatique, médical, financier et administratif. Depuis le 24 juin 2017, date du dépôt de la contribution, une période de lobbying nous a permis de recueillir le soutien des cabinets ministériels de mesdames Frédérique Vidal (Enseignement Supérieur, Recherche et Innovation) et Sophie Cluzel (Handicap), de la rapporteure spéciale de l’ONU pour les droits des Personnes Handicapées, du Conseil national consultatif des personnes handicapées et de la Commission nationale consultative des Droits de l’Homme, ainsi que celui du conseiller Éducation et Enseignement supérieur du président de la République.Il est intéressant de voir que les grandes entreprises à qui nous présentons également cette contribution, soutiennent la création d’un tel statut : la dimension d’internationale d’une formation devient essentielle pour un recrutement. Des étudiants handicapés qui n’y auraient pas accès seraient pénalisés dans leur recherche d’emploi.